jeudi 20 octobre 2016

La Ruhr, une région industrielle historique..


La région de la Ruhr est une aire urbaine dense de l'ouest de l'Allemagne. Elle est le premier bassin industriel d'Europe de l'Ouest et regroupe plusieurs grandes villes (Duisbourg, Oberhausen, Bottrop, Mülheim, Essen, Gelsenkirchen, Bochum, Herne, Hamm, Hagen et Dortmund) qui forment une conurbation de 5 203 100 d'habitants. Cela en fait la première d'Allemagne et la sixième européenne (après Moscou, Istanbul, Paris, Londres et Milan) par le nombre d'habitants. Elle s'étend sur 3 484 km² ou 4 435 km² selon les sources.



Les richesses du sol ont fait de la Ruhr une des régions les plus riches d’Allemagne. L’industrialisation a débuté au XVIIIe siècle avec l’ouverture de plusieurs mines de fer et de charbon. Le développement de l’exploitation des gisements de charbon de la Ruhr accompagna la future expansion de son industrialisation métallurgique et sidérurgique. Vers 1850, plus de 300 mines de charbon étaient en activité dans toute la région. Les employeurs recrutaient des milliers de travailleurs pour les mines et les industries sidérurgiques au fur et à mesure de leur croissance, et la population augmenta rapidement pour devenir la plus grande région industrielle d’Europe. Avant la Seconde Guerre mondiale : la Ruhr produit 130 millions de tonnes de charbon par an, contre 79 millions de tonnes pour la France et la Belgique réunies et 15 millions de tonnes d’acier par an, contre 8,5 millions de tonnes pour la France et la Belgique. Avec la seconde Guerre Mondiale et la guerre froide, les activités industrielles et minières ne baissent pas et les ouvriers continuent d’affluer. En effet, il faut de l’acier pour les voitures et les armes.


Aciéries et hauts-fourneaux de Bruckhausen à Duisburg (1991)

..frappée de plein fouet par la crise du charbon..


Mais à partir des années 1957, un siècle seulement après cet essor industriel, survient la crise du charbon, ce qui déclenche une rupture économique dans tout le bassin de la Ruhr. L’évolution de l’approvisionnement énergétique allemand, en particulier l’utilisation croissante du pétrole, et les importations de charbon bon marché de pays tiers, font décroître la demande en charbon intérieur. Les 140 mines de 1957 fermeront peu à peu pour n’être plus qu’au nombre de 7 en 2000, avec un charbon local trois fois plus cher que le charbon d’importation. La région subit ainsi avec violence les changements structurels de la seconde moitié du XXe siècle. En 1988, son territoire est très fortement touché par cette crise économique qui sévit dans le secteur industriel de l’acier et du charbon. Les fermetures de sites se succèdent à des rythmes très rapides, faisant grimper les chiffres du chômage de la Ruhr, qui souffre particulièrement de cette situation du fait de sa mono-structure industrielle.




«D’abord meurt la mine, puis la ville», indiquent les panneaux de ces personnes protestant contre une fermeture supplémentaire dans la Ruhr.



Ces crises ont laissées des traces, car l'hémorragie fut terrible par endroit. La seule ville de Duisburg a perdu 80 000 emplois industriels dans les années 70-80. « La Ruhr est à l'Allemagne ce que le Nord - Pas-de-Calais fut à la France aux temps de sa splendeur industrielle. Un territoire hérissé de puits de mine et de monstres sidérurgiques où les terrils dessinent le paysage et où la pollution fut telle que la rivière Emscher qui le traverse était devenue un véritable égout à ciel ouvert. ». 

Pour Ralf Meurer, directeur de la société de développement économique de Duisbourg, « Pendant longtemps, naître ici, c’était la garantie d’un travail salarié » mais la crise du charbon a tout bouleversée. Aujourd’hui la Ruhr veut croire en son avenir, un avenir sans les barons du charbon et de l’acier.

.. en passe de réussir sa reconversion..


Grâce à une succession de projets de transformation, c’est tout le bassin de la Ruhr qui renaît de ses cendres. Il s’agissait d’un territoire en difficulté économique et sociale, à la fois enclavé et désindustrialisé. La Ruhr assistait impuissante à une dépopulation galopante. La région se redéploie donc tout d'abord vers les usines, puis vers les services et les hautes technologies. Quelque 120 projets ont été réalisés sur 93 sites différents, principalement entre 1990 et 2000.

Le gazomètre d’Oberhausen
Mise en lumière de bâtiments industriels par l’architecte anglais Jonathan Park dans le Parc de Duisburg Nord

Cette reconversion est notamment le fruit de L’IBA Emscher Park. Le sigle IBA provient de l’appellation «Internationale Bauaustellung», qui signifie littéralement «Exposition Internationale d’Architecture». Pour autant, une IBA n’est pas une simple exposition culturelle à vocation internationale, mais relève plutôt d’une démarche architecturale et urbaine innovante que l’Allemagne a créée pour répondre à certaines de ses problématiques urbaines
Cette IBA s’articule autour de 5 axes stratégiques : Aménager une travée verte au cœur du territoire, renaturer la rivière de l’Emscher, préserver les friches industrielles, recréer de l’emploi dans la région, rénover ou construire de l’habitat.
Les priorités de développement furent données au secteur tertiaire. Ce dernier emploie aujourd’hui plus de 70% des actifs de la région – davantage qu’au niveau national –, contre 38% en 1961. À partir du début des années 2000, tous ces projets réalisés sont pour une large part devenus des moteurs du développement économique, touristique et culturel reconnus à l’échelle internationale. Le talent de la Ruhr pour aller chercher des financements européens impressionne. De ce point de vue, le fédéralisme allemand est séduisant. Et efficace.  
L’une des bases de cette nouvelle identité, c’est l’université. Dès les années 1960, des établissements d’enseignement supérieur ont été créés dans cette région ouvrière, qui en était jusqu’alors dépourvue. Aujourd’hui, l’université de la Ruhr, à Bochum, fondée en 1962, accueille plus de 38 000 étudiants et constitue le premier employeur de la ville, avec 5 600 salariés. 


Dans cette étude nous allons nous pencher sur deux projets marquants qui ont participé à la reconversion de la Ruhr. Il s’agit du site Phoenix à Dortmund et de la mine de Zollverein à Essen.

Cap tout d’abord sur le site Phoenix en plein cœur de la ville de Dortmund « la ville du charbon, de l'acier et de la bière ». C’est dans le quartier Hörde, l’un des quartiers ouvriers de la ville que Thyssen avait installé un immense complexe sidérurgique d’une centaine d’hectares. Aujourd’hui, il n'en reste que des carcasses industrielles, conservées comme témoins d'un passé industriel qu'on se refuse à renier. Car depuis 2001, le site « Phoenix » voit le jour. Ce programme de reconversion structurelle prévoit la création de 1 300 logements construits autour d'un lac au milieu d'un paysage en terrasses. Le site a également été rehaussé d'un parc technologique et de nombreux bureaux ainsi que d’un petit port et d’aires de détente pour « agréabiliser » le lieu. En dépit de ces développements récents, Dortmund a su préserver son héritage ouvrier. Lors de leur fermeture, pas question de livrer les hauts-fourneaux, les mines ou les cokeries aux appétits des bulldozers ! Ces lieux devenus historiques témoignent fièrement d’un passé industriel qui a été conservé.


Autre villes fière de ces reconversions économiques et culturelles, la ville d’Essen à 40 km de Dortmund. C’est ici que les architectes Fritz Schupp et Martin Kremmer ont créé, entre 1927 et 1932, un complexe industriel d’un nouveau genre et qui mérite incontestablement son bien peu modeste surnom de « plus belle mine du monde». Avec ses façades de briques rouges et ses structures en acier à la composition harmonieuse inspirée des principes de la symétrie et de la géométrie, le bâtiment satisfait aujourd’hui encore aux normes esthétiques les plus exigeantes. Élue capitale européenne de la culture en 2010, Essen, choisit la mine de charbon de Zollverein comme principal centre culturel et artistique. Le charbon y fut extrait et traité pendant 135 années avant la fermeture de la mine en 1986.

  
Fondée en 1998, la fondation « Stiftung Zollverein » se consacra bientôt à la conservation et à la reconversion de ce monument industriel d’exception. Avec succès puisque le site est aujourd’hui l’un des pôles culturels de la région de la Ruhr et un musée vivant de l’histoire de l’exploitation minière et du développement de l’architecture industrielle. Mais l’ancienne mine n’est pas seulement un monument de design en soi : avec le musée Red Dot Design qu’elle abrite dans ses murs, c’est la plus grande exposition de design contemporain au monde qu’elle associe désormais au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. C’est ici aussi qu’est décerné le prestigieux Red Dot Award qui récompense chaque année les meilleures créations de design.





..malgré quelques points toujours délicats.

Mais les succès ne disent pas tout , la reconversion de la Ruhr, depuis les années 1960, s’est faite dans la douleur et certaines blessures restent vives. Le chômage n’a pas disparu, la première conurbation d’Allemagne, avec plus de cinq millions d’habitants, enregistre un taux de chômage de 11%, contre un peu plus de 8% dans l’ensemble du Land et 6,6% à l’échelle nationale.
La Ruhr pâtit également, depuis cinquante ans du départ des jeunes qualifiés vers des régions plus dynamiques, comme le Bade-Wurtemberg ou la Bavière. Sont restés les moins qualifiés et les plus âgés. Retenir les diplômés des universités d’Essen ou de Bochum apparaît comme le grand défi des années à venir.
Au niveau culturel, la culture de l’entrepreneuriat reste à développer. En effet, les barons du charbon et de l’acier prenaient en charge la vie de leurs travailleurs. Ce paternalisme a ainsi marqué les mentalités. Ce qui fait réellement défaut à la Ruhr, c’est une identité partagée. Ce n’est pas une métropole, mais une conurbation morcelée qui possède une grande histoire minière commune.

Sources :



Article Nord Eclair :


Article VoxEurop :


Article La Croix :


Page Wikipédia :


Article « Regard d’architecte » par Adrien Buchet :


Article Le Monde.fr :


Article Made for Minds :


Article Commerce International :